Pour le mois de mai nous présentons une petite créature utile, compétitive et qui nous empêche de nous ennuyer. Il faut juste les regarder en balade sur la plage ou dans la forêt pour sourire.
Le Bernard l’hermite fraise est une curieuse appellation pour un crustacé à dix pattes, qui pourtant adopte apparemment un comportement grégaire. Ce pagure terrestre « U’a » en tahitien, arbore un exo squelette d’un rouge-orange flamboyant, tacheté de jaune. De ses quatre-vingts millimètres de haut ( taille, tout de même, honorable pour un bernard l’hermite des atolls), il est remarquable et contraste avec le blanc éblouissant des plages de Tetiaroa. Mais en règle générale, il se trouve le plus souvent à la lisière de la végétation à l’ombre, à l’abri de la chaleur et du dessèchement.
Cette coquille d’emprunt est essentiel à leur survie, elle leur sert non seulement de protection mais aussi de stockage d’eau de mer comme d’eau douce, pour régulièrement humidifier leurs branchies et réguler leur pression osmotique, on note aussi que les femelles stockent leurs oeufs dans leur coquille et les relâcheront dans la mer avant l’éclosion.
Jamais très loin du rivage, ces crabes se regroupent autour de buissons ou d’arbustes tels que le Faux tabac « tohonu » en tahitien (Heliotropium foertherianum), sur lequel ils grimpent jusqu’au bout des branches pour atteindre les jeunes feuilles qu’ils mangent, et se rassemblent aussi sous les racines-échasses du Pandanus tectorius « Fara » en tahitien.
Comme beaucoup d’arthropods (du grec « arthron » : articulation; « podos »: pieds), le Coenobita perlatus est un opportuniste à la fois charognard et omnivore ce qui fait de lui un nettoyeur de plage très efficace. Plus actif la nuit, il mange tout ce qui passe à portée de ses pinces : des animaux (ex: rat, crabe, tortue émergente, poisson, morts ou blessés), des végétaux (ex: jeunes feuilles du faux tabac,fruits du pandanus,etc…); et même sa propre mue.
Concernant la mue, ce phénomène physiologique lui est indispensable pour évoluer, c’est-à-dire que pour grandir, il doit, à raison d’une à deux fois par an sortir de son ancienne peau et se construire un nouvel exosquelette en restant enterré pendant un à deux mois.
Ces animaux sont lourdement ralentis dans leurs déplacements car ils doivent protéger leur abdomen mou et fragile des prédateurs en utilisant la coquille d’un autre (principalement à Tetiaroa celle duTurbo setosus « mā’ao » en tahitien ),dans laquelle il peut se rétracter complètement et l’operculer à l’aide de sa plus grosse pince quand il se sent menacé.
Cependant ils restent facile à approcher et vous pourrez facilement les manipuler tout en faisant attention à leurs pinces.
Le remodelage se fait en combinant, d’une part des sécrétions chimiques qui altèrent et fragilisent le carbonate de calcium de la coquille et d’autre part la sculpture physique de l’intérieur du coquillage à l’aide des pattes articulées. Mais un jeune crabe, uniquement, peut mener une telle entreprise car seul un crabe de petite taille peut s’engouffrer dans une coquille qui n’a pas été remodelée. Cela demande beaucoup d’énergie pour un petit bernard l’hermite, c’est pourquoi celui-ci ne s’engagent dans cette pratique qu’en cas de grave pénurie de coquilles remodellées. Seulement les coquilles sculptées sont très prisées et rarement disponibles sur le marché, les crabes sont, donc, forcés de rester à l’affut des opportunités.
Nous comprenons, enfin, la raison du caractère social de ces crabes et pourquoi ils passent autant de temps aussi proche les uns des autres; car c’est la seule façon d’avoir une chance d’acquérir une résidence de choix augmentant ainsi leur taux de survie.
La chasse aux coquillages commencent typiquement, par un crabe qui monte sur le dos d’un autre crabe, jaugeant la taille de sa coquille ainsi que sa force relative . Puis il se bouscule l’un l’autre, ce qui attire l’attention des crabes aux alentours qui voient ici, une expulsion potentielle d’une part et d’autre part une nouvelle demeure. Cette performance fini parfois par plusieurs placés en file indienne, par ordre de taille , chaque crabe attrapant la coquille du crabe suivant. Et si le premier de la file vient à se faire expulser, chaque crabe se glisse rapidement dans la coquille du crabe de devant. C’est un spectacle divertissant et finalement très intéressant.
Finalement nous comprenons que certaines espèces de Bernard l’hermite ne s’avèrent pas être des organismes asociaux, comme leur nom le sous-entend, bien au contraire, elles qui dépendent de leurs congénères pour maintenir leur population en santé et assurer une niche favorable.